top of page
Rechercher

Quelle est votre anthropologie à vous?

Photo du rédacteur: Michel TanguyMichel Tanguy

Cette question me semble aujourd'hui essentielle en tant que coach, thérapeute ou tout simplement en tant qu'être humain.

On a tous une conception de l'être humain, une vision de nous et de nous dans le monde. Souvent elle est implicite plus qu'explicite et limitative sans qu'on en ait conscience.


"Vous êtes psychothérapeute... Très bien... Alors quelle est votre anthropologie ?" Ainsi s'adressait le professeur Hellenberger à un amphithéatre de 600 psychothérapeutes en 1976, dont faisait partie Jean-Marie Delacroix (photo), un des pères de la Gestalt thérapie en France.

Jean-Marie pose la même question au CesHum en juin 2020 devant les "jeunes" psychopraticiens transpersonnels dont je fais partie. Cette question me bouleverse, me lave, me remue, m'essore… Sur ma conception de l’homme, du thérapeute et de moi-même. Peut-être est-ce même le module le plus essentiel de mes 4 années de formation de psychopraticien?

Durant trois jours je vis des sentiments forts, ceux que j’ai pu ressentir à chaque fois, où dans ma vie, j’ai été au contact du vrai, du vital, de l’essentiel : quand du brouillard soudain surgit l’évidence, un masque qui tombe, à en avoir le souffle coupé et la tête qui tourne… et peur. Si mon premier contrat de (sur)vie s’effondre, quelle prétention de croire que le second serait mon projet de vie ? Si mon anthropologie de jeunesse est fausse, pourquoi celle-ci serait-elle plus juste ? D’ailleurs quand je me mets à l’écrire durant la formation, elle me parait tellement bisounours : « Pour moi l’être humain est un esprit infini qui chemine dans un corps fini, bien en chair »… L’enfant-premier-de-la-classe en moi savoure cette vision noble et spirituelle. Mon corps par contre se sent moyen : mes mains sont moites, le souffle est court et le coeur bat trop vite. Depuis mon burn-out je sais que quand ma tête et mon corps ne sont pas d’accord, c’est mon corps qu’il faut suivre, alors je respire et je recommence. Après un idéal névrotique, me serais-je trop rapidement adapté à un idéal transpersonnel, presque caricatural ? Je respire plus longuement, plus lentement aussi. Les exercices corporels proposés durant le stage m’aident. J’accueille aussi les mots rassurants, humains, de Jean-Marie, quand il nous dit : « Le processus est évolutif, avec des moments de régression (disons-le de peur !). La continuité de l’expérience humaine permet les changements pour le futur et la croissance humaine. » Alors plus modestement, plus réalistement je me centre sur moi et j’écris : « Je suis un être humain qui chemine réalistement sur le chemin de sa réalisation. »

Ma première anthropologie construite implicitement dans mon enfance et par mon éducation était donc paradoxalement limitative. Convaincu pourtant par mes toutes premières expériences de vie que l’hyperadaptabilité était le graal de l’homme en quête de bonheur, mon anthropologie inconsciente pendant 50 ans a ainsi été que l’être humain devait accepter de renoncer à lui-même pour plaire aux autres, pour être accepté « dans la cour des grands » et donc pour être heureux. En s’adaptant on peut s’augmenter, en s’augmentant on peut devenir invincible… Si je survis et m’adapte à ce que me balancent mes parents, la vie (enfant/ado/ jeune adulte), je survivrai et m’adapterai à n’importe quoi, et même le garçon pauvre, gay, provincial que je suis va pouvoir intégrer HEC, réussir une brillante carrière, goûter au bonheur…

Il a fallu un burn-out en 2014, la déflagration de l‘épuisement, pour accepter que l’hyperadaption était une stratégie d’échec. Mon chemin n’avait plus de coeur depuis trop longtemps, mais je ne le voyais pas et refusais pourtant de le quitter. J’ai pu alors rendre définitivement mon contrat de survie (la réussite professionnelle pour être pleinement accepté et aimé), et aujourd’hui je jette aussi l’anthropologie qui lui était associée (l’hyperadaptation de l’homme augmenté).

Durant cette formation, j’ai pris deux énormes claques dans la figure. La première, thérapeutique, a consisté à renoncer à la fois à la reconnaissance absolue de mon père telle que je l’espérais et également à une vision idéale de l’homme. Si l’homme est juste humain comment son anthropologie pourrait-elle être surhumaine ?

Ensuite, seconde claque, en prenant conscience que si je suis aujourd’hui thérapeute, ce n’est pas seulement pour aider les gens à aller mieux, mais également (s’ils le désirent) pour les aider à trouver et surtout à écrire le sens de leur vie (leur « aller où ? »). Non pas parce que je sais pour eux, mais parce que je peux leur offrir l’humanité de celui qui a emprunté ce chemin aussi… N'est-ce pas là tout l'intérêt d'un passeur de sens, d'un thérapeute des passages difficiles ? Jean-Marie Delacroix je ne te remercierai jamais assez. A vous tous, je n'ai qu'un conseil : faites-vous ce cadeau de dévoilement essentiel. Bien se connaître soi-même c'est aussi connaître son anthropologie.






162 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page